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04 juin 2009 barcelona-badalona (troisième étape) : le poète m’a dit/barcelona-badalona (tercera etapa): el poeta em va dir. la chaleur tourne en rond dans la cour et les sons traversent différemment les murs. si ce régime de touffeur se maintient, il faudra bientôt appeler les souvenirs de neige, et alerter le samu des oiseaux. sur le fil à linge, le merle fixe le mur et ne chante plus. le gnome panxeta poursuit sa sieste sur le balcon. ainsi va l’azur plombé de barcelone. janice a fini par répondre ce matin à mon courriel (voir avant-dernière chronique). si je compte bien, il y a huit heures de décalage entre tegucigalpa et barcelone. une joie lui est venue, dit-elle, à l’évocation de l’anis del mono (voir la semaine passée). elle me fait observer que j’ai oublié de parler de l’orchestre que nous avions écouté à gracia, du musicien qui grattait la bouteille biseautée et en tirait des sons. hier, elle s’est penchée au-dessus du berceau d’un bébé, alba. aube est le nouveau-né que regarde christian bobin dans la femme à venir . demain, elle classera des photos d’un voyage à llançà, colera et portbou, au nord du nord de la catalogne, « du temps où j’avais mes deux jambes. » le courriel de janice est rond de sa liberté. edmond a écrit, lui aussi. chez lui, avenida cardenal da silva, à salvador de bahia, il est cinq heures de moins que chez nous. edmond connaît l’archéologie des celtes, détecte les imprécisions de la dernière traduction en français du quichotte , sait de l’étymologie du mot « sauge » et de la nourriture des cétacés. alors, si je demande, comme la semaine dernière, que l’on m’aide à traduire « à saute moutons » en catalan, il ouvre un oeil sinon trois : « je pense que tu as trouvé facilement l´équivalent anglais de saute mouton: leapfrog. en portugais, du moins au brésil, le nom de ce jeu est intéressant : pula carniça, c´est-à-dire saute-charogne, ou encore eixo, axe, ou encore eixo badeixo. le mot badeixo n´existe à ma connaissance que dans cette expression. en islandais : höfrungahlaup, c’est-à-dire le saut du dauphin. » nous avons au barça un joueur islandais, blond comme un islandais, les gens l’appellent « la morue », mais ici le mot ne revêt pas de connotation sordide. j’étais donc arrivé sous la statue du « à saute-moutons », à l’entrée de la promenade longeant la plage de badalona. depuis mon départ de barcelone, deux heures s’étaient écoulées, j’avais eu le temps de voir pousser une fleur dans le sable de la plage, et puis, mes autres expériences sur le chemin de côte, vous les savez ! j’avais aimé immédiatement la statue. je m’étais assis devant elle sur l’un des trois bancs installés à sa hauteur, sous la criée aux portes peintes en vert bouteille. c’est à quoi l’on joue à dix ans, en récréation. à ça !, et puis à la marelle ! la marelle, que je croyais disparue sous le chahut des playstations, or, voilà que j’en ai vu une, samedi dernier, tracée de frais à la craie dans la cour de mon ancienne école louis-pons : « paradis », « enfer », « repos ». on continue donc d’apprendre si tôt les stations de l’âme ? edmond, « marelle » au sénégal c’est « plat lune », « bebeleche » au mexique, « campana » en italie, et “hopscotch” aux états-unis. et au brésil ? en catalogne, je ne sais pas. cette chronique est un herbier comme je le conçois, dans l’idée de torga que « l’universel, c’est le local moins les murs. » jean-paul a eu l’idée, samedi disais-je, de nous rassembler dans notre ancienne cour, 55 ans après… le chapitre n’était pas écrit d’avance. nous nous sommes tous regardés, tout avait changé, mais rien n’avait changé. nous ne le savions pas, mais à 7 ans, est inscrit ce que nous serons, chacun fixe déjà sa couleur pour emprunter le chemin vers la terre promise. la rue louis-pons est une branche de l’avenue de toulouse. des possibilités de sud entrèrent à jamais dans l’oeil d’un enfant assis, à 7 ans et des heures, sur les trois marches blanches sous le pas de porte du coiffeur. ça s’est passé samedi, sur une des hauteurs de brive-la-gaillarde, corrèze, briva lemovici inferioris caput . ah, le son du latin! sous la statue de badalona, dans le tête-à-tête des bancs, une alba en i.pod venait de nous laisser. avec moi, était resté un homme. je lui avais demandé de combien d’habitants était vivifiée la ville. il avait répondu : « 240 000 », tout en essayant déjà de lire en moi. moi : « je connais un poète d’ici, marcel riera. » lui : « le fils des riera qui tenaient un débit d’orxata ? » moi : « sans doute. » lui : « ils habitaient le quartier du progrés. » moi : « ça, je ne sais pas. le progrès ? comme un quartier de l’union soviétique ? » lui : « ah !, peut-être.» nous avions parlé assez longtemps pour que la mer change deux fois de couleur. nous venions d’éplucher tout un artichaut, nous atteignions le coeur. moi : « badalona peut-elle se prendre pour une ville, placée comme elle est si près de barcelone ? » lui : « pas mal de barcelonais la dédaignent, même sans être jamais venus. tant pis pour eux. » un enfant en maillot et serviette avait surgi et sauté sur les genoux de l’homme. celui-ci avait regardé les gouttes déposées sur sa chemise bleue, puis il avait ouvert un sachet qui contenait des nèfles : « à badalona, on dit des micacos, on est les seuls à employer ce mot, on nous reconnaît aussi à ça. » puis, j’avais fixé ma dahon sous la statue avant de sillonner les rues autour du marché couvert. à la vue d’une femme en blouse balayant devant sa porte, et de deux hommes sortant d’un café sombre, j’avais décidé de rentrer. il émanait d’eux une musique interne inaccessible, la sous-couche, le limon du village transformé en faubourg industriel dans un désordre gris. autant revenir un jour avec marcel riera pour éclairer badalona de quelque autre vérité enfouie au fond des ruelles. pour écrire une autre chronique : « le poète m’a dit. » il faut continuellement s’adresser aux poètes, à plus forte raison quand on ne sait pas les choses. « la poésie montre l’exemple » dit jean-louis chrétien. mais, on peut venir s’asseoir devant le pont du pétrole restauré, imaginer les tankers, capter un filet du parfum qui tombe de chez anis del mono, et lire la corde du tonneau que j’ai volé à marcel : l’eau avait goût de pétrole brut, de marchandise. néanmoins, nous nagions au large jusqu’à voir, par-dessus l’agrégat de la gare et des toits sales, le clocher d’en haut et la tige brillante des paratonnerres et, sous eux, notre petit royaume de la plage. depuis lors, une corde cingle perpendiculairement la surface, poisseuse et fixée au fond par d’autres cordes à l’ancre, tendues. ce ne fut pas cet août-là à la chaleur féroce qui démontait les pierres de l’aqueduc avant qu’une gomme complètement ne l’efface, mais une kyrielle d’étés, suffocants de fuel, et les plumes poisseuses de quelques mouettes. « baigne-toi, baigne-toi » nous disait le tonneau bercé, fixé au même point, nuée de moules infinitésimales. et toujours nous suivions son avis, au tempo de la voix de l’écume. je fais une visière de mes doigts et contemple : foule de pneumatiques, éclaboussures des fourmis et hourvaris lointains depuis le tonneau gonflé attrapé par nos mains en flottant, jusqu’à ce que doigts et paumes se rident, suivant l’étoile des patins à voile, eux volant. agrippés aux noeuds visqueux de la corde, ces millehommes reviennent bras dessus bras dessous de la plage, le soleil à la nuque, fatigués et contents. ils ont vu le clocher briller pour eux uniquement et autour d’eux les vagues les soumettant à va-et-vient, comme des cloches. la corde tire encore, elle a disparu et elle tire encore. la chronique est temporairement suspendue pour cause d’autres trvaux de plume. text en català la calor fa tombs al pati i els sons travessen els murs de diverses maneres. si es manté aquest règim de xafogor, aviat caldrà cridar els records de la neu i alertar el samur dels ocells. sobre el fil d’estendre la roba, la merla té la mirada fixa al mur i ja no canta. el gnom panxeta seguei